Quasiment simultanément, l’European Chess Union à Porto Carras (Grèce) et la Fédération Française des Echecs adoptèrent des règlements afin de lutter contre les nulles dites de salon. Si l’esprit et la philosophie restent identiques, l'application est légèrement différente car pour toutes les compétitions de l’ECU (adultes, jeunes et par équipes), à partir du 1er janvier 2012, il sera impossible de proposer le partage du point avant le 40e coup. Pour la FFE, cette interdiction vaut pour toute la partie et les compétitions par équipes ne sont pas (encore) concernées.
Le Comité Directeur de la FFE (photo Etienne Mensch)
Cette évolution est une bonne chose et va dans le bon sens, même si on peut comprendre la réaction de certains puristes. La fin des parties ajournées, la réduction des cadences et la prolifération des parties rapides… devaient déjà « tuer » le jeu d’échecs à la fin des années 80. On sait ce qu’il en est depuis !
Je me rappelle d’une ITW d’Antonio Samaranch, Président du CIO, que j’avais réalisée avec Willy Iclicki en 1998 lors du Championnat du Monde Karpov-Anand au Musée Olympique de Lausanne. A la question : « pourquoi le jeu d’échecs, qui est universel, n’est pas discipline olympique ? » il avait répondu : « parce que dans aucun autre sport, la rencontre ne peut s’arrêter au bout de 5 minutes par la nulle sur décision des protagonistes ».
L’Assemblée Générale de la Fide qui s’est tenue en octobre à Cracovie (Pologne) a également décidé d’emboiter le pas et lors du prochain congrès d’Istanbul en 2012, lors des Olympiades, elle devrait légiférer également dans le même sens.
Il est vraiment dommage que Dorfman ne soit plus qualifié pour le National 2012 à Pau. J’aurais vraiment été curieux de le voir évoluer avec l’interdiction de proposer la nulle et avec, en prime, la victoire à 3 points. Tout cela à cause de Laurent Fressinet qui a osé le battre lors de la 10e ronde du National à Caen. On ne peut vraiment plus se fier à personne !
M. Moingt,
je ne sais pas si la pratique des nulles de salon est courante ni si elle est si préjudiciable que ça au développement des échecs. C'est possible. Pas sûr.
En revanche, je m'interroge sur l'impact d'une interdiction totale de la nulle par consentement mutuel auprès des plus jeunes et des joueurs "moyens" dans mon genre : devra-t-on se forcer à jouer des finales F+1P contre T+1p ? Devrais-je abandonner pour abréger mes souffrance ? Les Pou et Ppo confrontés à une finale manifestement nulle auront-ils droit d'être ravitaillés en vol pour survivre à leur méconnaissance de la règle des 50 coups et à leurs parties en 248 coups ? Tout ceci n'est-il pas un tantinet exagéré jusqu'au ridicule ?
Rédigé par : Serge Grimaldi | 10/11/2011 à 00:25
Bonjour Jean-Claude
("Monsieur le président" est trop pompeux, à la rigueur "mon capitaine" en souvenir de Clichy)
Les échecs sont un sport, certes, mais ne sont pas seulement un sport. De tout temps, on les a considérés comme à la fois un jeu, un art, une science et un sport. J'ai apprécié la boutade de Samaranch, mais je ne crois pas que notre activité ait vocation à devenir un sport olympique. La limiter à cette dimension est l'amoindrir, même lui faire injure.
Je suis résolument opposé à cette phobie anti-nulles, qui empoisonne la vie des joueurs depuis 2005, et prend en ce moment une tournure quasi hystérique. Non, cette évolution n'est pas "une bonne chose". Elle ne va pas "dans le bon sens", mais à l'opposé. Elle dénature notre jeu, où l'équilibre des forces est normal, et la nulle une issue logique (les comparaisons avec les "autres sports" n'ont aucun sens). Elle veut instaurer une insupportable dictature arbitrale en prétendant dicter aux joueurs leur conduite.
Elle est simplement grotesque sur le plan sportif, ouvrant la voie à toutes sortes de magouilles et mascarades. Tout cela fut amplement développé sur un forum que, je suppose, tu dois visiter de temps en temps.
Mais elle déplaît encore davantage aux trois autres groupes :
-- le simple joueur souhaite parfois abréger la partie, pour diverses raisons ; après tout, ce n'est qu'un jeu, non ?
-- l'artiste veut souffler après une belle et difficile partie jouée la veille, spécialement une longue finale ; il répugne à la laideur que peut engendrer sa fatigue ; est-ce un art, oui ou non ?
-- le scientifique persuadé qu'une position n'a plus un intérêt suffisant, préfère abréger, si son adversaire est d'accord ; sa recherche de la vérité est assez difficile comme cela, pour perdre du temps sur ce qu'on sait déjà ; c'est une science, non ?
Il y aurait encore beaucoup à dire mais je dois, aussi, abréger !
Rédigé par : Alain Villeneuve | 10/11/2011 à 14:07
Mon Cher Marquis,
Quand je parlais de « puristes » dans mon article, je pensais évidemment à des joueurs comme toi et tout ce que tu dis ou presque, je l’approuve. Mais dans ton commentaire, tu as omis de parler du rôle éducatif du jeu d’échecs (50% de nos licenciés ont moins de 13 ans…). Dans notre société en perte de repère et de valeur, il me semble important de lutter contre des dérives et le cynisme ambiant. Et malheureusement, notre sport n’est pas épargné… Alors bien entendu, ce n’est pas une solution technique qui va régler un problème moral. Mais il y a deux façons de fonctionner ; soit on se résigne, soit nous essayons de lutter pour tenter de changer les choses. Peut-on accepter que des joueurs se moquent des organisateurs, des partenaires, des spectateurs, des internautes… en faisant des nulles de salon ? Peut-on accepter que des jeunes à peine plus âgés d’une dizaine d’années imitent leurs ainés ? Peut-on accepter que des joueurs planifient (en ayant déjà scellé des nulles sans jouer) leur tournoi avant même le début de la 1ère ronde ?
Alors bien entendu, il y aura toujours des petits malins qui vont s’arranger avant la partie et nous pondre un simulacre de combat avec un magnifique perpétuel à la fin. Oui parfois il est important de s’accorder une « ronde de repos ». Je l’ai souvent fait ! Après l’éternelle question est ; faut-il uniquement l’appliquer pour les professionnels où les Echecs spectacle ? Mon avis est clair, les règles doivent être les mêmes pour tout le monde. Et la très grande majorité des joueurs qui nous demandent d’agir sur le haut niveau pour lutter contre les nulles de salon ne souhaiteraient pas que nous l’appliquions pour eux ? Donc ok pour faire le ménage chez les autres, mais pas chez soi en quelque sorte. Un grand classique !
Pour moi, il reste un débat ; les règles Corses ou de Sofia ? Sincèrement je ne sais pas. Et puis pour conclure, Corse ou Sofia, je n’y suis pas favorable pour les compétitions par équipes.
Jean-Claude Moingt
Rédigé par : JCM | 11/11/2011 à 14:18